lundi 6 avril 2009

Remise en cause du dollar-étalon


Un autre point de vue sur le G20 trouvé sur le site de Marianne 2 : celui d'Edouard Husson, historien allemand, défendant le retour à "un étalon monétaire impartial".

Il ne faut pas se fier aux apparences. A lire le communiqué du G20, il n'y a pas de quoi pavoiser pour l'Europe. Et surtout pas pour la France et l'Allemagne. Les deux pays ne font en effet que manifester ensemble à la face du monde qu'ils sont sortis de l'histoire. Le sommet de Londres aurait pu être historique mais Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sont sans doute les deux responsables qui auront le plus contribué à son échec. Ils ont opté ensemble pour l'insignifiance. Ils ont laissé à la Chine et à la Russie le soin de poser la seule question intéressante, celle de la refondation du système monétaire international et de la fin de l'étalon-dollar. Ils ont préféré dénoncer les symptômes de la maladie économique mondiale que s'attaquer aux racines du mal. Les paradis fiscaux, les dérèglements de la finance internationale, le crédit incontrôlé ont la même origine: la fabrication monétaire inconsidérée rendue possible depuis des années par le système de l'étalon-dollar. Depuis qu'ils ont aboli le lien entre le dollar et l'or, en 1971, les Etats-Unis ont eu la possibilité de s'endetter sans contrôle, sous prétexte qu'ils fournissaient à l'économie mondiale les liquidités dont elle avait besoin. Les bons du trésor américains ont été le support de la croissance monétaire mondiale en même temps que la garantie du crédit apparemment illimité que s'octroyaient les Etats-Unis. Produisant toujours moins par elle-même, dépensant de plus en plus pour sa défense et important toujours plus, l'économie américaine a pu défier les lois de l'économie pendant plusieurs décennies grâce à l'attirance qu'elle exerçait sur les capitaux étrangers, du fait  de la dérégulation quasi-totale de son système financier et de la croyance insufflée aux élites de la planète en la supériorité absolue de l'American way of life. C'est ce système qui est en train de s'effondrer. La Chine est angoissée à l'idée de voir se déprécier les bons du trésor américain dont elle détient plus de mille milliards de dollars. La Russie voit bien les conséquences des variations de change du dollar pour le montant de ses revenus pétroliers. Les deux grands pays qui ont tâté du communisme au XXè siècle sont vaccinés en matière d'utopie et de manipulation monétaire. Evidemment, on peut juger que les deux pays ne vont pas assez loin: les droits de tirage spéciaux du FMI ou le panier de monnaies qui nous sont présentés comme des solutions ne résoudront rien tant qu'on ne remettra pas des biens réels (or, argent, platine) dans la définition des instruments monétaires. Les responsables du G20 ont dépensé des millions de dollars pour un sommet qui rend plus probable l'aggravation de la crise. Cependant, sachons gré à Moscou et à Pékin d'avoir, avant le sommet, posé la seule question importante, celle de l'instrument monétaire mondial.
On aurait pu s'attendre à ce que la France et l'Allemagne les rejoignent dans l'exigence commune d'une réforme du système monétaire. Après tout, les deux pays fondateurs de l'euro n'ont pas intérêt à ce que la montée de son cours par rapport à celui du billet vert finisse par asphyxier les sociétés européennes qui souffrent déjà énormément de l'euro cher.
Mais, que les Américains se rassurent, ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles - en attendant l'effondrement de leur monnaie. Peut-être même obtiendront-ils un répit si l'euro éclate suite à une ou plusieurs graves crises sociales. En tout cas, ni Paris ni Berlin ne se joindront à Moscou et Pékin pour exiger la subsstitution au dollar d'un étalon monétaire qui ne soit plus une monnaie nationale.
Nul besoin de s'étendre sur l'incorrigible futilité du président français, uniquement obsédé par la popularité de Barack Obama. La fausse Gründlichkeit (un mot bien plus fort que le  «sérieux» français) de Madame Merkel est, si l'on y réfléchit bien, plus inquiétante encore. Le chancelier allemand expliquait doctement, en début de semaine, au 
Financial Timesque trop de liquidités ont tué la confiance dans le crédit. Bravo Madame! Mais ne pas en tirer publiquement la conclusion qu'il faut refonder le système monétaire international et se contenter de prôner plus de rigueur monétaire revient à peu près au même que de prêcher la fidélité dans un club échangiste.
Seul un front uni des grands pays sur la question monétaire,contre les Etats-Unis, obligerait ceux-ci à mettre fin au dérèglement profond auquel ils se sont habitués: emprunter sans compter et consommer sans produire en se contentant d'entretenir un gigantesque réseau de service à la personne et de logistique de la division internationale du travail  - en se réservant le droit de bombarder ceux qui ne veulent pas se couler dans cet ordre.
Il n'y va pas seulement de la prospérité, il y va de la paix du monde. C'est grâce au système de crédit illimité que leur a accordé le reste du monde que Washington et le complexe militaro-industriel américain ont pu développer l'arsenal militaire le plus coûteux de l'histoire. Les «alliés» des Etats-Unis ont financé ce système naguère au nom de la guerre froide, aujourd'hui de la lutte contre le terrorisme. Quel symbole terrible pour l'Europe, pour la France et l'Allemagne en particulier, que le sommet de l'OTAN se tienne immédiatement après celui du G20. Barack Obama est logique: il a obtenu le maintien, au moins provisoirement, du système de financement à crédit de l'économie américaine, il peut demander aux pays membres de l'OTAN de marcher en cadence dans son projet de guerre perpétuelle en Afghanistan. (Quelle naïveté, vous les Berlinois qui lui aviez fait un triomphe avant son élection en croyant qu'il serait l'homme de la paix!)  C'est à cause de l'étalon dollar que la planète est instable, que les conflits se multiplient au Moyen-Orient. Et dans l'agravation de la crise économique, inévitable, germent les violences de masse et les génocides de demain. La cause de la paix et la prévention des génocides sont du côté de ceux qui veulent revenir à un étalon monétaire impartial."



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